📰 Article fictif paru dans la Tribune de Genève du 29 février 2028 Le mouvement du Grand Effacement a encore frappé à Genève Les activistes qui luttent contre la détention de données privées par des tiers ont cette fois-ci attaqué le bâtiment de l’Administration fiscale cantonale. Tous les disques durs ont été détruits. Par Raymond Rambert (Nom fictif. Dans La peste d’Albert Camus, un journaliste nommé Raymond Rambert essaie de s’échapper de la ville d’Oran, fermée à cause de la peste. Il incarne le rôle de l’individu qui lutte pour son bien-être particulier dans le contexte d’un malheur collectif dont il n’est pas responsable.) Le canton de Genève a perdu en une seule nuit l’ensemble des informations fiscales relatives à ses contribuables. Les activistes du Grand Effacement ont attaqué hier soir le bâtiment de l’Administration fiscale cantonale. Résultat, ils ont procédé à la destruction de la totalité des disques durs et de l’ensemble des sauvegardes et cela la veille de l’ouverture de la mise en vente de ces mêmes données. Dans un communiqué de presse revendiquant l’attaque, le mouvement fait savoir « qu’il n’y avait pas d’autre options que de procéder à la destruction méthodique des disques durs de l’Administration fiscale cantonale, puisque les autorités genevoises sont restées sourdes aux mises en garde de notre organisation. La détention de données privées ne doit plus être tolérée dans notre société sans consentement prouvé. L’idée d’une vente de ces données est une abomination ! Depuis des années, nous luttons pour que notre pays adopte une réglementation adéquate en matière de protection des données, en vain. Cette attaque de l’Administration fiscale est le symbole de notre combat pour les libertés individuelles, ce d’autant plus que des audits ont prouvé que ce service de l’État collectait des données qui allaient bien au-delà du nécessaire pour mener à bien son action. Le projet de vente de ces données est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! »

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De leur côté, les autorités ont réagi immédiatement, qualifiant cette attaque d’attentat terroriste perpétré par des individus dont l’objectif est de bloquer l’action de l’État dans le but d’appliquer leur idéologie anarchiste. Le président du Conseil d’État, également en charge de la Sécurité, Roc Maudit, a fait part de sa détermination à traduire les auteurs de ce vandalisme en justice. « Nous trouverons ces voyous et nous ferons en sorte que leurs attentats soient sanctionnés à la hauteur du préjudice qu’ils ont infligé à la société », a-t-il déclaré. Le manque à gagner de la vente de ces données est considérable. Le produit de cette opération aurait dû notamment financer le remplacement du système de vidéo-surveillance de l’État qui ne répond plus aux normes. Selon la dernière loi sur le financement de la santé, la vidéo-surveillance doit pouvoir être utilisée par les sociétés de recouvrement afin d’y détecter les mauvais payeurs grâce à la reconnaissance faciale. L’État encourt de lourdes sanctions s’il ne remplit pas ses obligations. L’attaque de l’Administration fiscale cantonale est la deuxième du genre à Genève. Il y a un mois, le mouvement du Grand Effacement s’en était pris aux serveurs de l’Office des poursuites, supprimant l’ensemble des données sauvegardées jusqu’à ce jour. Une perte inestimable, avaient alors jugé les autorités et les observateurs. En détruisant cette fois-ci les disques durs, le Grand Effacement s’est assuré qu’aucune donnée privée ne puisse plus être détenue ni vendue par les autorités fiscales. La conséquence de cette démarche est encore difficile à évaluer. Logiquement, l’administration exigera à nouveau des éléments de preuve aux contribuables genevois lorsqu’ils devront s’acquitter de leurs impôts cantonaux. De cette façon, une nouvelle base de données pourra être progressivement recréée. Mais les activistes qui s’opposent à la détention de données privées par des tiers ne l’entendent pas de cette oreille et menacent déjà de recommencer.
Pour mémoire, le mouvement du Grand Effacement a vu le jour en 2022, à la suite du rejet populaire d’une nouvelle législation en matière de protection des données. Ce projet de loi, qui renforçait les compétences des autorités pour protéger la sphère privée des citoyens, avait fait l’objet d’un référendum lancé par les organisations économiques. La campagne agressive d’Economiesuisse et de l’Union suisse des arts et métiers avait fait échouer le texte dans les urnes. Immédiatement, ce résultat avait été contesté sur fond de soupçons de recours aux technologies des grands groupes numériques tels Facebook. Face à ces accusations, le Conseil fédéral avait proposé à l’Assemblée nationale la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les faits. Depuis lors, incapables de démontrer la manipulation, les autorités se refusent à entamer un nouveau processus législatif. Le mouvement du Grand Effacement s’est aussi développé en réaction à la surveillance par l’État des réseaux sociaux pour le compte de l’administration fiscale (Ce n’est même pas de la science-fiction. Voir à ce sujet : Pour débusquer les fraudeurs, le fisc va expérimenter la surveillance des réseaux sociaux, Le Monde, 10 novembre 2018.). Cette mesure a facilité la fuite de données fiscales qui n’étaient pas censées se retrouver sur la place publique, avec pour conséquence des drames personnels et sociaux terribles. En réaction aux entreprises privées et aux États toujours plus gourmands dans l’exploitation des données personnelles sans égard pour les vies brisées, le mouvement du Grand Effacement a réuni les excédés de tous les horizons. Face à l’obsolescence de la loi sur la protection des données de 1993 toujours en vigueur et les évolutions technologiques récentes, parmi lesquelles les robots domestiques, le Grand Effacement s’est donné pour mission, selon son site internet, de rendre la liberté aux individus, devenus esclaves d’une société numérique qui a fait fi des droits fondamentaux dans le but de glorifier l’innovation, sans égard pour l’autonomie humaine. Le mouvement se définit comme l’héritier de l’humanisme des Lumières. Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
Ça rappelle la lutte des androïdes dans Blade Runner 2049, qui décident de faire exploser les serveurs de données qui permettent de les identifier.
Merci à vous de porter ces combats si importants pour les citoyens suisses (même s'ils ne s'en rendent pas encore compte)!